Quiconque a suivi le débat présidentiel américain reconnaîtra l’importance du moment où Donald Trump a refusé de condamner la suprématie blanche et ses tenants. Soulevant encore davantage l’incrédulité, le président s’est adressé directement aux Proud Boys, un groupe d’extrême droite, et leur a demandé « de reculer et de se tenir prêts ». Ce moment charnière marquera la politique nord-américaine. S’il peut être tentant de brosser un portrait flatteur de notre nation en dressant des comparaisons et des distinctions entre le Canada et les États-Unis, il y a lieu de nous demander si cet exercice nous aide vraiment à saisir l’ampleur des problèmes auxquels nous devons nous attaquer. Au chapitre du racisme, il vaut mieux nous concentrer sur nos propres difficultés.
Là encore, il est facile de soutenir que le Canada a une longueur d’avance en matière d’introspection, et particulièrement en ce qui concerne les vestiges du colonialisme. Au cours des 12 dernières années, nous avons été témoins des excuses présentées aux survivants des pensionnats indiens; nous nous sommes également livrés à deux exercices difficiles, l’Enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et la Commission de vérité et réconciliation. Malgré ces étapes importantes, il est clair que nous n’en sommes encore qu’au début du processus. Ces moments-clés ont donné une assise sur laquelle nous appuyer et, à l’heure où la mobilisation contre le racisme institutionnel prend de l’ampleur, il est temps de chercher à obtenir de meilleures conditions pour les populations autochtones et racialisées du Canada.
La notion de racisme systémique mérite qu’on s’y attarde. Bien que l’attention soit surtout tournée vers les corps policiers et le système judiciaire, l’ensemble du système est, à bien des égards, conçu de manière à perpétuer des avantages raciaux indus ou à protéger les personnes racistes. Le fait qu’une personne noire à Toronto risque vingt fois plus d’être abattue par la police que ses voisins blancs témoigne d’un racisme systémique qui engendre des inégalités constantes entre les individus en fonction de leur race.
Pour ce qui est des systèmes qui protègent les individus aux opinions et aux comportements racistes, nous en avons été témoins récemment, lorsqu’une femme autochtone à l’agonie dans un hôpital du Québec a filmé les infirmières et autres employés de l’hôpital qui lui servaient des remarques racistes sans vergogne pour justifier la situation dans laquelle elle se trouvait. Après avoir partagé la nouvelle sur les médias sociaux, j’ai été troublée d’apprendre que des personnes dans la circonscription d’Algoma—Manitoulin—Kapuskasing avaient subi un traitement discriminatoire en raison de leur statut d’Autochtone. Si cela ne signifie pas nécessairement que le système de santé est raciste, de tels incidents nous rappellent brutalement qu’une institution peut s’imprégner du racisme de certains individus.
Cela semble être le cas de l’armée canadienne, qui a été pressée d’expulser les extrémistes présents dans ses rangs après que trois incidents très médiatisés soient survenus depuis 2017, dont le lancement d’une enquête visant un réserviste qui aurait été recruteur pour un groupe suprémaciste blanc établi aux États-Unis. Le chef d’état-major de la Défense, le général Jonathan Vance, a reconnu qu’il y avait beaucoup à faire, tout comme l’ancien commissaire de la GRC, Bob Paulson, qui a déclaré en 2015 : « Je sais qu’il y a des racistes dans mon service de police. Je ne veux pas d’eux dans mon corps de police ».
Au Canada, nous avons récemment souligné la Journée du chandail orange, qui nous rappelle l’histoire des pensionnats. Des moments comme ceux-ci sont l’occasion de nous remettre en question et de constater l’état dans lequel se trouve notre pays ainsi que les aspects à améliorer. Il est certes difficile de convaincre les gens de se montrer plus compréhensifs à l’heure où le tissu de notre société semble se déchirer; toutefois, c’est la seule solution possible.
Il convient de rappeler que, si le Canada connaît son lot de racisme systémique, cela ne signifie pas pour autant que les Canadiens sont foncièrement racistes. Cela signifie plutôt que nous devons nous efforcer d’éliminer les vestiges du racisme qui subsistent dans notre système. Dès que nous cernons une lacune, nous devons passer à l’action : sinon, nous risquons d’être comparés, de façon peu flatteuse, à d’autres qui se sont enlisés dans le problème au lieu de chercher des solutions
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