Le 25 novembre 2019, la Police provinciale de l’Ontario a reçu un appel au 9-1-1 signalant que le conducteur d’un camion U-Haul avait fait le plein à une station-service sur la route 17, à White River, et était parti sans payer. Un agent qui se trouvait dans le secteur a repéré le camion et a lancé une brève poursuite, à laquelle il a mis fin rapidement. À un moment donné, le camion U-Haul a été impliqué dans une collision. Les occupants ont abandonné le camion et se sont enfuis en motoneige. Peu après, la motoneige s’est écrasée, causant de graves blessures à un homme de 29 ans. Le directeur de l’Unité des enquêtes spéciales, Joseph Martino, a conclu qu’il n’y avait aucun motif de porter des accusations contre un agent de la Police provinciale dans cette affaire et a clos le dossier.
Rapports du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales – Dossier nº 19-PVI-284
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)
En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
- de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
- de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.
En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- le nom de tout agent impliqué;
- le nom de tout agent témoin;
- le nom de tout témoin civil;
- les renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)
En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables.
Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.
Exercice du mandat
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
L’enquête
Notification de l’UES
Le 25 novembre 2019, à 16 h 13, la Police provinciale de l’Ontario a signalé une blessure survenue le jour même.
La Police provinciale de l’Ontario a rapporté qu’à 12 h 38, des agents avaient répondu à un appel relatif au vol de carburant. À 13 h 11, un agent qui roulait vers l’est sur la route 17 a aperçu un véhicule qui lui a semblé être celui recherché. L’agent a tenté d’arrêter le véhicule, mais le centre de communication a donné l’ordre d’interrompre toute poursuite.
Un peu plus tard, un autre agent a déployé un dispositif de dégonflage des pneus pour tenter de faire arrêter le véhicule, mais celui-ci l’a contourné et, ce faisant, il a fait une sortie de route et s’est retrouvé dans un banc de neige.
Avant que l’agent ne parvienne au véhicule, il a vu une motoneige qui venait dans sa direction avec deux occupants ne portant pas de casque. L’agent a décidé d’arrêter la motoneige pour demander à ces deux personnes si elles avaient vu le véhicule suspect, mais la motoneige a pris la fuite.
À 13 h 43, un agent a trouvé la motoneige sur le côté de la route avec l’un des occupants, identifié comme le plaignant, qui avait du sang sur la tête. Le plaignant a été mis sous garde, mais l’autre personne s’était enfuie.
Le plaignant a été conduit au Centre de santé Lady Dunn, où il a été admis.
La Police provinciale de l’Ontario a rapporté que les lieux n’avaient pas été bouclés, que la motoneige avait été retournée au propriétaire et que des photographies des lieux et du camion U Haul allaient être prises.
On a d’abord cru qu’une enquête de l’UES ne serait pas nécessaire, et le dossier a été clos.
Le 26 novembre 2019, la Police provinciale de l’Ontario a rapporté que le plaignant avait reçu un diagnostic de fracture de l’os orbitaire.
L’équipe
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
Plaignant :
Homme de 29 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés
Témoin civil
TC A participé à une entrevue
Agents témoins
AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
Agent impliqué
AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué. Ses notes ont été reçues et examinées.
Éléments de preuve
Les lieux
Au moment de la notification, la Police provinciale a signalé que les lieux de l’incident, soit l’intersection de Magpie Road et Mission Road à Wawa, n’avaient pas été bouclés et que la motoneige concernée avait déjà été retournée au propriétaire.
Malgré ce que laissaient croire certains éléments de preuve, la motoneige n’était pas endommagée et a été retournée au propriétaire immatriculé.
Enregistrements de communications
L’AT no 2 a d’abord été avisé par téléphone du vol de carburant. La poursuite lui a ensuite été signalée.
Lorsque l’AI a annoncé que le véhicule ne s’arrêtait pas à son signal et avait accéléré jusqu’à 120 km/h tandis que les feux d’urgence et la sirène de l’AI étaient activés, le centre de répartition a transmis l’information au surveillant des communications qui supervisait l’incident. L’AT no 2 a ensuite ordonné à l’AI de cesser la poursuite et d’indiquer son kilométrage en fin de poursuite, ce que l’AI a fait.
L’AT no 2 a ensuite dit à l’AI : [Traduction] « N’essayez pas de rattraper le véhicule. »
Lorsque l’AT no 1 a signalé que véhicule avait pris des moyens radicaux pour contourner le tapis clouté, l’ATno 2 a transmis le message suivant : [Traduction] « À toutes les unités, ici [AT no 2] du centre de communication de la Police provinciale de North Bay. Je prends en charge cette opération et j’ordonne à toutes les unités d’interrompre la poursuite immédiatement. Désactivez vos feux d’urgence et sirènes, rangez-vous sur l’accotement dès que c’est sécuritaire, indiquez votre kilométrage et attendez de nouvelles instructions. » L’AI comme l’AT no 1 ont obtempéré.
Après qu’un véhicule conduit de manière dangereuse a été signalé à Wawa, l’AT no 1 a indiqué que deux hommes étaient passés à côté de lui sans casque sur une motoneige. L’AT no 1 soupçonnait qu’il s’agissait des hommes du camion U Haul.
Peu après, l’AI a dit : [Traduction] « Ils passent maintenant à côté de moi à toute vitesse. » L’AI a ajouté : [Traduction] « Il y a un seul homme et il vient de tomber en bas. » Elle a ensuite indiqué qu’elle avait un homme sous garde et elle a demandé une ambulance.
Durant un appel à l’AT no 2, l’AI a dit qu’elle roulait sur Mission Road lorsqu’elle a entendu l’AT no 1 signaler qu’il était au bout de Government Road. L’AI a ensuite vu la motoneige qui approchait, avec le conducteur sans casque. Une fois la motoneige passée, l’AI est entrée dans le stationnement d‘un dépanneur. La motoneige a alors grimpé un banc de neige et est tombée sur la route. L’AI a fait demi-tour et a activé ses feux d’urgence pour aller se placer derrière la motoneige, qui se trouvait au milieu de la route avec le conducteur étendu tout près. Lorsque l’homme, maintenant identifié comme le plaignant, a tenté de remettre le véhicule en marche, l’AI a approché et lui a dit qu’il avait besoin de soins médicaux. L’AI a rapporté à l’AT no 2 qu’elle n’avait pas à ce moment annoncé à l’homme qu’il était en état d’arrestation, car il avait besoin d’être soigné et de s’asseoir dans la voiture de l’AI en attendant une ambulance.
Enregistrements d’appels au 911
L’appel initial au 911 au sujet du vol d’essence a été fait à 12 h 36.
À partir de 13 h 39, deux personnes, y compris un agent de la Police provinciale à la retraite, ont composé le 911 pour signaler la collision d’un camion U Haul, le vol d’une motoneige et la collision d’une motoneige.
Éléments obtenus auprès du Service de police
Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants de la Police provinciale de l’Ontario :
- le rapport d’arrestation relatif à l’incident;
- le rapport d’incident général;
- les notes des AT nos 1 et 2;
- les notes de l’AI;
- le dossier des photos de la Police provinciale (long formulaire);
- le rapport sur l’accident de la circulation.
Éléments obtenus auprès d’autres sources
Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants d’autres sources :
- les dossiers médicaux du plaignant;
- les registres d’ambulance pour le plaignant.
Description de l’incident
Même si le plaignant ne se rappelait pas des événements ayant causé ses blessures, d’après les déclarations d’un civil et d’un agent témoin, les notes rédigées par l’AI et le surveillant des communications, les enregistrements des communications, les registres d’ambulance et les dossiers médicaux du plaignant, les faits qui suivent ont pu être établis.
À 12 h 36, la Police provinciale de l’Ontario a reçu un appel au 911 signalant un vol d’essence à une station-service de White River.
À 13 h 10, l’AI a aperçu le camion roulant en direction sud sur la route 17. Elle a fait demi-tour et a activé son équipement d’urgence pour tenter d’arrêter le camion. À 13 h 12, lorsque le camion a commencé à accélérer et a semblé dépasser les 120 km/h, l’AI a avisé le centre de communication et s’est fait ordonner immédiatement de mettre un terme à la poursuite par le surveillant des communications, soit l’AT no 2. L’AI a alors ralenti et s’est rangée sur le bord de la route et a vu le camion continuer à accélérer jusqu’à une vitesse estimative de plus de 130 km/h. Peu après, l’AI a été avisée de continuer à rouler à la vitesse normale de patrouille et elle s’est engagée de nouveau sur la route.
L’AT no 1 a dit avoir placé un tapis clouté sur la route pour tenter d’amener le camion à s’arrêter. Lorsque l’ATno 1 a annoncé que le camion avait cependant contourné le tapis, l’AT no 2 a ordonné à toutes les unités de cesser immédiatement toute poursuite, de désactiver leurs feux et leur sirène et de se ranger sur l’accotement dès que c’était sécuritaire de le faire.
À partir de 13 h 39, deux appels ont été reçus au 911 par le centre de communication de la Police provinciale de l’Ontario, d’abord pour rapporter qu’un camion U Haul avait fait une collision, puis pour indiquer qu’une motoneige avait été volée et avait aussi fait une collision. Les éléments de preuve révèlent que le TC et le plaignant, qui se déplaçaient sans casque sur une motoneige, auraient renversé la motoneige sur le côté à trois reprises.
L’AT no 1 a signalé avoir vu deux hommes sans casque passer à côté de son véhicule sur une motoneige et il a indiqué qu’il soupçonnait que c’était les deux mêmes hommes qu’il avait vus dans le camion U Haul. L’AT no 1 a alors activé ses feux d’urgence et a sorti le bras par la fenêtre du conducteur de sa voiture pour attirer l’attention du conducteur de la motoneige, mais celui-ci ne s’est pas arrêté. L’AT no 1 n’a pas fait demi-tour et n’a pas non plus poursuivi la motoneige.
Les éléments de preuve révèlent que, lorsque la motoneige est tombée sur le côté pour la troisième fois, le TCa abandonné le véhicule et a continué son chemin à pied, tandis que le plaignant remettait la motoneige debout et l’enfourchait pour repartir.
Peu après, l’AI a signalé que la motoneige venait de la croiser sur la route à Wawa. Lorsque l’AI est entrée sur le stationnement d’un dépanneur pour faire demi-tour afin de suivre la motoneige, celle-ci a grimpé un banc de neige, après quoi elle en est redescendue pour tomber sur la route, en éjectant le conducteur, soit le plaignant, dont la tête a cogné sur la chaussée. Lorsque le plaignant, qui saignait de manière évidente à la tête, a tenté de redémarrer la motoneige, l’AI s’est approchée et lui a dit qu’il avait besoin de soins médicaux, après quoi elle a demandé une ambulance à 13 h 45. Le plaignant s’est assis dans la voiture de police de l’AIpour attendre son arrivée.
Dispositions législatives pertinentes
Article 320.13 (1), Code criminel – Conduite dangereuse
Analyse et décision du directeur
Le 25 novembre 2019, après un appel au 911 signalant que le conducteur d’un camion U Haul avait fait le plein à une station-service de la route 17, à White River, et était reparti sans payer, l’agent impliqué (AI), qui était dans le secteur, a fait demi-tour et a entamé une poursuite. À un certain point, un occupant du camion U Haul, soit le plaignant, a abandonné le camion et a pris la fuite sur une motoneige qui a, peu après, fait un accident dans lequel le plaignant a été blessé.
Le plaignant a été conduit à l’hôpital, où on a diagnostiqué qu’il avait subi un traumatisme crânien fermé potentiel avec une commotion sérieuse et une fracture de l’os orbital droit.
Il n’y a aucune indication qu’un agent ait pu causer la blessure au plaignant à quelque moment que ce soit.
La seule infraction potentielle à examiner dans la présente affaire est celle de conduite dangereuse interdite par le paragraphe 320.13 (1) du Code criminel. Pour qu’on puisse considérer qu’il y a eu infraction, il faut notamment que la conduite représente un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation. J’ai la conviction que la manière dont l’AI a conduit sa voiture de police était conforme à la norme de diligence prescrite par le droit criminel. Même si l’AI a entamé au départ une poursuite pour une infraction plutôt mineure, soit un vol d’une valeur de moins de 5 000 $, il importe de signaler qu’elle a tôt fait de réduire sa vitesse après avoir parcouru à peine un kilomètre environ, vraisemblablement parce que ce n’était pas dans l’intérêt du public qu’elle continue vu que le camion U Haul roulait tellement vite qu’il représentait un danger. J’attire l’attention sur le fait que l’AI avait déjà réduit sa vitesse et désactivé ses feux d’urgence et sa sirène avant de recevoir l’ordre de le faire de la part de l’AT no 2, après quoi elle s’est rangée sur le côté de la route et a transmis son kilométrage. Il faut aussi signaler qu’il n’y a aucun signe que l’AI ait, de par sa manière de conduire, jamais réellement mis en danger la vie d’autres automobilistes ou de piétons sur la route 17. L’agente n’a pas non plus poussé inutilement le témoin civil à aller plus vite. En fait, les éléments de preuve indiquent que le TC a vu que l’AI avait presque immédiatement ralenti et s’était rangée sur le côté, lui donnant ainsi la possibilité de réduire sa vitesse et de conduire prudemment. À la place, le TC a continué d’accélérer et de conduire de façon dangereuse et il a fini par faire un accident avec le camion U Haul. Il est évident que l’AI avait abandonné toute tentative d’arrêter le camion U Haul bien avant l’accident.
Il est clair qu’après l’abandon de la motoneige par le TC, lorsque le plaignant a grimpé le banc de neige en motoneige et a perdu le contrôle et fait un accident, aucun agent ne le poursuivait et n’avait de contact de quelque sorte que ce soit avec la motoneige et c’est donc dire qu’il n’y a aucun lien de cause à effet entre les blessures subies par le plaignant et les actions des agents.
Au vu de ce dossier, je n’ai pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a soit causé la collision en question, soit a conduit d’une manière dangereuse interdite par le Code criminel. Par conséquent, il n’existe pas de motifs de porter des accusations criminelles contre l’agent et le dossier est clos.
Date : 28 avril 2020
Signature électronique
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
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